REPORTAGE 🎥 Six jours de mobilisation sur le rond-point stratégique de la RN20 à Tarascon-sur-Ariège. Depuis vendredi dernier, le rond-point de Sabart à Tarascon-sur-Ariège est occupé jour et nuit par des éleveurs et leurs soutiens. Une mobilisation qui ne faiblit pas, portée par la colère après l’abattage de 208 vaches de la famille Verger à Les Bordes-sur-Arize la semaine dernière.
Un drame qui a mis le feu aux poudres
« L’ensemble des éleveurs et nous, Confédération Paysanne, on ne pouvait pas en rester là« , explique Laurence Marandola, responsable départementale du syndicat. Ce qui s’est passé mercredi et jeudi derniers sur la ferme de la famille Verger a été vécu comme un électrochoc dans le monde agricole ariégeois. « C’est cette politique de l’État qui est responsable de l’abattage« , dénonce-t-elle, pointant du doigt les retards dans la mise en place de la vaccination contre la dermatose nodulaire contagieuse bovine (DNC).
Face à ce qu’ils qualifient de « massacre scandaleux », les éleveurs ont proposé un protocole alternatif « de façon hyper responsable », qui a été rejeté par les autorités. Installé sur un point stratégique de la nationale 20 menant à Andorre, le blocage vise à obtenir des réponses concrètes du gouvernement.
La vaccination enfin élargie, mais le protocole contesté
Après six mois de demandes de la Confédération Paysanne et deux mois de pression de l’ensemble des professionnels ariégeois, la vaccination élargie à tout le département a finalement été lancée. « D’ici deux, trois semaines, l’ensemble des troupeaux ariégeois pourront être vaccinés », indique Laurence Marandola.
Mais cette avancée ne suffit pas à lever le blocage. Les éleveurs réclament un changement radical de protocole : « Il faut arrêter de mettre le massacre d’abord, la vaccination après« , martèle la responsable syndicale. Elle insiste sur la nécessité d’un protocole alternatif qui cesse l’abattage massif total des troupeaux, même pendant la campagne de vaccination.
La Confédération Paysanne défend l’accès à la vaccination élargie partout en France. Actuellement, un peu moins d’un million de doses sont focalisées sur les Pyrénées et le Sud-Ouest pour créer une « barrière vaccinale ». « La maladie va plus vite que la vaccination de proximité des foyers », explique Laurence Marandola. « Il faut d’abord nous protéger de la maladie avant de nous proposer le massacre. »
Marco, éleveur d’ovins et tondeur de moutons, rappelle les chiffres : avec 1,75 million de doses disponibles pour 16 millions de bovins en France, « on est loin du compte pour avoir la possibilité de vacciner au niveau national ».
Des indemnisations qui se font attendre
Autre point de tension : les indemnisations. Selon les témoignages recueillis, environ la moitié de la somme due est versée rapidement après expertise, sous quinze jours. Le solde devrait suivre, conditionné à la reconstitution du troupeau. Mais la réalité est plus complexe : « Des éleveurs dont les troupeaux ont été abattus en août en Savoie n’ont toujours pas reçu ce solde, même s’ils ont déjà pu reprendre quelques vaches. C’est absolument scandaleux », dénonce Laurence Marandola.
Une mobilisation solidaire et déterminée
Sur place, l’organisation est rodée. Sandrine Claverie, éleveuse d’ovins et bovins à Arnave, est présente depuis le début : « On tourne entre toutes les personnes. La solidarité est incroyable. » La mairie de Tarascon et les entreprises locales apportent leur soutien logistique. « On a du chauffage, de quoi dormir en dortoir. Des gens lambda viennent nous aider tous les jours », témoigne-t-elle.
Grâce à son père qui assure la gestion de l’exploitation, Sandrine peut être présente en journée sur le blocage. « Niveau organisation, ça peut être compliqué, mais ça se fait, c’est pour une bonne cause.«
Brigitte, 78 ans, surnommée « mamie café », incarne cette solidarité citoyenne. Habitant à 800 mètres, elle vient trois fois par jour préparer le café pour les manifestants. « J’ai pensé que j’allais venir fêter Noël ici avec mes amis plutôt que de rester chez moi« , confie-t-elle simplement. « Je ne suis pas agricultrice, mais je suis concernée.«
Un rendez-vous crucial à Paris
La mobilisation pourrait connaître un tournant décisif. Le Premier ministre reçoit ce vendredi 19 décembre l’ensemble des syndicats agricoles, dont la Confédération Paysanne. « C’est le moment que le gouvernement fasse des annonces significatives qui répondent à nos attentes sur la question de la DNC« , espère Laurence Marandola, qui attend « l’annonce d’un protocole alternatif et l’arrêt de l’abattage total ».
En attendant, la détermination reste intacte sur le rond-point de Sabart. Chaque soir, les manifestants se réunissent pour décider collectivement de la suite à donner à leur action. « Tant qu’ils ne lâcheront pas l’abattage total de nos vaches, je continuerai« , affirme Sandrine Claverie. Et si nécessaire, ils sont prêts à passer Noël sur le blocage.




