Une émission pour cinq bandes dessinées
Sur ce coup là je fais dans la double thématique : 1 BD, 2 période historique.
Ces 3 BD sont sorties pratiquement en même temps et embrassent la même période pour aborder des sujets si peu éloignés.
Nous sommes durant la seconde guerre mondiale, en France, en Belgique, il y est question de résistance, de survie et de comportements …
Mais entrons dans le détail
Après la rafle de Arnaud Delalande et Laurent Bidot avec Joseph Weismann chez le Arènes BD
Deux enfants qui ont subis la rafle du Vel’ d’Hiv’ réussissent à s’échapper du camp de Beaune-la-Rolande, camp de transit vers les camps de la mort. C’est Jo Weismann, 90 ans aujourd’hui, qui rend ce devoir de mémoire. Un témoignage prégnant de la responsabilité de notre pays sur l’accompagnement des décisions prises par les forces occupantes. Une BD qui dit bien où sont les responsables et que l’histoire récente à reconnu. Émouvant témoignage bien mis en valeur par le scénario de Delalande les dessins de Bidot.
Le Faux SOIR de Denis Lapière, Daniel Couvreur et Christian Durieux chez Futuropolis. Des résistants en Belgique décident d’éditer un FAUX journal de le Soir au nez et à la barbe des nazis. Tout le montage, les actions mises en place pour éditer et distribuer ce journal qui fut une satire du Soir récupéré et édité par des collaborateurs des allemands. Un exemple d’organisation et de lutte contre un occupant furieux … jusqu’à une toute petite erreur.
Monsieur le commandant de Bétaucourt et Oburie d’après Romain Slocombe chez Philéas est une toute autre histoire ; celle d’un antisémite qui tomba amoureux d’une femme juive.
L’âge d’eau
Pour ceux qui n’ont pas encore lu les bandes dessinées de Benjamin Flao (Kililana Song ou Essence, sans oublier l’illustration graphique de l’excellent roman Danois de jorn Riel : Heq), c’est le moment de le découvrir avec son nouvel opus « l’âge d’eau » T1.
Nous sommes du côté de la Loire, l’eau est montée comme le résultat de l’aveuglement des populations, et il n’y aura pas de décrue. Face à ce phénomène, beaucoup de populations sont déplacées et survivent comme elles peuvent en dehors des « zones autorisées ».
Deux frères partent à la recherche d’un lieu d’habitation plus sûr pour préserver leur mère qui ne veut pas « renter dans le rang ». Ce récit d’anticipation, nous fait toucher du doigt ce que la fracture sociale a mis en place et que le futur proche ne fera qu’amplifier.
Une réflexion forte sur les moyens que nous nous donnerons pour préparer le monde de demain sur les ruines de notre inconséquence … avec un chien bleu télépathe qui sonde nos âmes … en reflet de la constellation du chien !
Il faut noter la théorie avancée sur la question du contrat lors d’un cours magistral … elle est magistrale et laisse bien interrogative. La relation aux autres est également un trait essentiel de cette aventure soulignée par des dessins qui sont une alternance de traits réalistes crayonnés et très expressifs qui soulignent le délitement de ce monde et des planches qui sont davantage des tableaux pleine page pour nous donner de la réflexion, du souffle et de la profondeur. Cette alternance est magnifique.
Le tome 2 n’est pas encore sorti que déjà on peut raisonnablement dire que ce diptyque d’anticipation marquera cette année 2022 dans la catégorie bande dessinée.
Le vagabond des étoiles
Si vous ne connaissez pas encore le trait de crayon de Riff Reb’s (Dominique Duprez) courrez, volez !
Un dessin au cordeau, des personnages qui ont de la gueule, des bateaux dans toutes leurs expressions, un souffle de vent dans ses histoires, un vrai bonheur pour les fans de BD.
Ici il est question du vagabond des étoiles œuvre de Jack London librement adaptée et qui nous fait revisiter cet ouvrage peu connu de Jack London.
Edité chez Noctambule cet album, sorti en décembre 2021 et qui regroupe les deux tomes, nous montre le monde carcéral et les limites de son univers. Nous reconnaissons bien là le travail politique de London et ses questionnements sur certains aspects de notre société … restés en suspens.
Il y fait également un hommage à sa maman et à ses pratiques spirites, qui a cette époque était monnaie courante. L’occasion de nous lancer dans un univers onirique et fantastique qui nous happe du début à la fin.
Enfin le dessin de Riff Reb’s, précis, réalistes et expressifs en particulier en ce qui concerne « les gueules », sont mis en profondeur avec un choix de différents thèmes monochromes qui symbolisent les différentes périodes. De la belle ouvrage.
Voici donc un livre qui nous fait revisiter nos classiques et nous laisse vagabonder dans les thèmes mis en avant par Riff Reb’s.
N’hésitez pas.
Par Dominique Mourlane,
libraire au Relais de Poche à Verniolle