IINTERVIEW 🎙️ A l’occasion d’une soirée à Jazz à Foix, nous avons rencontré la star du R&B en langue française : China Moses. Artiste bersée par le Jazz, le R& B , la Pop, le Rock, le Funk, est passé par la télé, la radio… Elle nous a raconté son style de vie d’artiste « Life »,. Elle nous a raconté également les origines de sa présence sur scène, sa famille, celle de sa musique et enfin le pourquoi du titre de son nouvel album qui va sortir en octobre prochain « It’s Complicated »…
Eric d’Azinat.com TV : Donc en fait vous arrivez, vous avez fait pas mal de dates depuis le début de votre tour, vous venez tout juste de Marciac où vous étiez hier.
China Moses : Je ne suis pas en tournée, c’est ma mode de vie en fait, je tourne, je fais des concerts depuis 2008, c’est mon métier, c’est de faire des concerts.
Eric d’Azinat.com TV : C’était le sens de ma question, justement, dans votre tour vous dites, « c’est un tour mais surtout un lifestyle », en fait je voulais que vous rebondissiez là-dessus, c’est un style de vie, c’est quoi exactement une tournée pour vous ?
China Moses : Ben c’est pas une tournée, c’est exactement ça, « it’s not a tour, it’s a lifestyle », voilà c’est mon métier, mon métier c’est de faire du live, tout simplement.
Eric d’Azinat.com TV : Tout simplement ? Et ça vous vient d’où en fait, cette envie de chanter ?
China Moses : Mon envie de chanter, en fait la musique c’est quelque chose d’assez familial, en fait historiquement, en fait dans ma famille on a beaucoup d’artistes, pas que ma mère qui est la chanteuse Didi Bridgewater, mais en fait son père était trompettiste, mon père était metteur en scène et musicien multi-instrumentiste, ma grand-mère à paternelle jouait de la guitare, on a des danseurs, enfin l’art c’est absolument normal dans ma famille, donc une envie de chanter, ça j’en ai pas particulièrement eu, j’ai surtout eu l’envie de communiquer, et j’ai fait certains choix dans ma vie qui ont fait que j’ai eu l’opportunité de pouvoir monter sur scène et quand on t’offre une opportunité tu la saisis, c’est la manière dont j’ai été élevée.
J’ai été élevée en sachant très bien que le talent que j’ai n’est pas quelque chose de spécial, en fait le talent n’est pas spécial, surtout quand on vient d’une famille comme la mienne et on est beaucoup d’artistes, à venir de familles d’artistes et je dis souvent quand il y a des familles d’avocats ou des familles de docteurs ou des familles de pharmaciens ou de mécaniques, on pose pas la question et étrangement quand ça vient à l’art, on pense que c’est une sorte d’intervention divine, quand ça dépasse c’est quelque chose qui s’apprend, il y a la manière dont on a été élevé et la manière aussi dont on a été nourri par la vie, donc ça dépend, même pas besoin de venir d’une famille artistique pour être artiste, c’est juste savoir saisir l’opportunité.
On m’a fait une proposition, j’ai dit oui, comme je dis toujours à mes musiciens qui acceptent de jouer avec moi, la blague qu’on a en interne c’est « t’as dit oui ». Donc quand on a des galères ou quand on a des moments où on doit apprendre encore plus des choses, parce qu’on est toujours en train d’apprendre, des moments où ça bloque, où on doit apprendre, où c’est compliqué parce qu’on dort peu, on voyage beaucoup, la blague c’est « t’as dit oui ».
Donc c’est ça, j’ai dit oui à la musique, c’est plutôt ça en fait.
Eric d’Azinat.com TV : On a aussi, lu votre bio, je l’ai trouvé sur votre site et sur Wikipédia et d’autres, on voit que vous avez envie d’affirmer, déjà quand vous êtes née artiste, vous avez créé un label je suppose, donc vous avez tout de suite envie d’affirmer quelque chose ?
China Moses : Ah j’ai créé mon label « Made in China Production ». C’est ça ? Oui.
Et mon prénom, mon « China Moses » c’est mon nom de naissance. On est d’accord. C’est pas une non-sens, j’ai pas créé quelque chose.
Eric d’Azinat.com TV : Vous avez voulu être productrice vous-même, et on sent dans votre vie, votre engagement, vous avez parlé, vous avez osé, vous avez fait de la télé aussi.
China Moses : Oui j’ai fait longtemps de la télé, 13 ans. Donc vous avez eu envie de dire des choses ? Encore une fois, je pense qu’au bout d’un moment, quand on prend la parole publiquement, on a un devoir de prendre en compte la responsabilité.
On est citoyen du monde, on vit en société, et il y a un pouvoir d’influence, donc c’est pas quelque chose que moi je prends à la légère
Je suis pas trop pour les artistes qui disent « oui je suis juste artiste, c’est pas de ma responsabilité de parler de telle ou telle chose ». On est citoyen du monde, on vit en société, et il y a un pouvoir d’influence, donc c’est pas quelque chose que moi je prends à la légère. Le fait d’être artiste productrice, ça, ça vient de ma mère, qui s’est inspirée d’autres artistes comme Betty Carter, une grande chanteuse de jazz, qui était elle-même sa propre productrice. J’adore, j’ai toujours navigué vers des femmes qui ont tracé un peu leur propre chemin, que ce soit dans les arts ou ailleurs, parce que c’est juste l’environnement qu’on m’a présenté, et j’ai eu beaucoup de chance d’être présentée à cet environnement-là.
Mon père m’encourageait de prendre la parole, il m’encourageait d’être à l’écoute, de me renseigner sur des choses que je ne connaissais pas, d’être un éternel étudiant jusqu’à ce que je meurs. Je ne me suis jamais vraiment posé la question, c’est quelque chose d’assez naturel. Après, faire carrière, c’est absolument pas naturel, ça c’est des choix.
S’il y a quelque chose qui est vraiment voulu de ma part, c’est de me dire, « Ok, j’ai cette opportunité, je dis oui, mais qu’est-ce que j’en fais ensuite ? » Donc, il m’a été important après avoir passé… j’ai passé 10 ans signant majeur, j’ai sorti trois albums sur un majeur, Virgin, qui est un très gros label, et j’ai commencé à mes 16 ans. Je n’ai pas eu le BAC, je suis allée tout de suite dans la vie active. Tout en faisant de la musique, j’ai eu plein de petits boulots, comme tout le monde quand on commence dans la vie, et je me suis rendue compte que c’était chouette.
En fait, j’ai eu une très bonne expérience en tant qu’artiste signant un label. Pas du tout les histoires qu’on peut raconter, c’est horrible, je trouve ça très bien, c’est des banques en fait, ils te donnent de l’argent pour que tu fasses la musique que tu veux, que tu récupères de l’argent toi, c’est le risque, mais tu n’en perds pas. Donc, le truc c’est que, moi je l’ai toujours regardé comme ça, parce qu’on m’a éduquée, c’était quoi le business de la musique ? C’est un business.
Et ce que je me suis rendue compte, c’était pour continuer la carrière que j’avais commencée en tant que chanteuse d’art et de hip-hop, j’ai été guidée par des amis qui m’ont dit, écoute, si tu veux continuer dans la musique, je te conseille de faire ça, je te conseille de monter ton propre label, enregistre ce projet-là que tu es en train de faire sur Dinah Washington. C’est juste parce que j’étais guidée. S’il y a de la bienveillance autour de moi partout, je n’accepte que ça.
Eric d’Azinat.com TV : On va revenir sur la scène, j’ai vu un petit extrait pendant les Balances, on va rester ce soir pour vous écouter, .. On dirait que vous vous amusez sur la scène et vous avez une voix qui est très impressionnante ! Et avec vos musiciens, c’est vraiment cool, c’est super cool. Vous rebondissez, il y a un coup du pop, un coup du rock, un coup du rap, vous avez fait du rap tout à l’heure pour faire les balances. Est-ce que c’est ça, le style de vie que vous vivez ?
China Moses : Alors ce que je fais, c’est de la musique noire américaine. En fait, il y a une ethnologue musicale qui s’appelle Portia K. Maultsby qui a écrit un livre qui est un des premiers livres qu’on lit quand on est dans le cursus universitaire en train d’étudier la musique noire américaine. Et elle a fait une sorte de ligne chronologique de l’histoire de la musique noire américaine.
je parle seulement de la culture noire américaine parce que c’est ma culture, c’est mon ADN
Et une fois qu’on a vu cette chronologie, on ne peut plus séparer les genres musicaux. On ne peut plus séparer le jazz, du blues, du rock, du R&B, de la soul, du funk, du hip-hop, du disco, de la country, du folk, du gospel. On ne peut plus parce qu’en fait, tout ça part d’un même lignage et ça part de l’arrivée des esclaves sur les autres continents.
Et moi, je parle seulement de la culture noire américaine parce que c’est ma culture, c’est mon ADN, c’est dans quoi je me suis investie à apprendre et à découvrir. Et donc, c’est juste en lisant son livre et en étudiant un petit peu que j’ai trouvé les bons mots pour pouvoir expliquer les choses que je n’arrivais pas à expliquer quand j’avais 16 ans. Mon premier album, il était pareil.
Je suis passée du R&B au hip-hop, de la House au funk, au jazz sur mon premier disque. Sur mon deuxième disque, c’était un peu plus chansons françaises, soul, pop. Le troisième disque était un peu plus axé R&B, mais il y avait un peu de pop, il y avait un peu de funk.
Après, j’ai fait deux disques standards de jazz et en étudiant les vies de grandes dames comme Dinah Washington, comme Nina Simone, comme Donna Summer, comme Janis Joplin. Et la chose qui m’a le plus marquée, c’est que toutes ces artistes femmes ont été toutes reléguées à une seule case. Tandis que c’est quelque chose qu’on accède beaucoup plus facilement à des artistes hommes.
Et moi, je me suis dit, on n’est pas dans la même période du monde. J’ai un peu plus de liberté en tant qu’artiste. Je peux être artiste productrice en tant que femme.
Je peux même mener mon propre bateau. Donc, je vais imposer le fait que les choses ne soient pas indissociables. Donc, c’est pour ça que je passe ma musique et nourris de toutes les influences de ma culture, tout simplement.
Et c’est comme ça que je suis bâtie.
Eric d’Azinat.com TV : Vous avez parlé de vos albums. Le dernier s’appelle « It’s Complicated ».
China Moses : Oui, il sort en octobre.
Eric d’Azinat.com TV : Et pourquoi it’s complicated ? 😉
China Moses : Parce que tout est compliqué. Et qu’il faut normaliser le fait que les choses soient compliquées.
Je pense qu’en tout cas, moi, j’ai eu une sorte de ras-le-bol général de l’obligation d’être bien. L’obligation d’être zen, l’obligation d’être cool, d’avoir le temps de faire son yoga illégitimement. J’aimerais bien, et le seul moment où j’ai pu avoir ce temps réel et en plus, je n’ai même pas d’enfant.
si on part du principe que les choses sont compliquées, en fait, on peut être beaucoup plus calme face aux complications qui nous arrivent dans la vie.
Donc, normalement, je devrais pouvoir avoir le temps, mais je n’en ai toujours pas. Donc, j’applaudis toujours les parents parce que je suis là, mais je ne sais pas comment est-ce que vous faites dans vos vies. Parce que moi, juste avec mon timing à moi, je n’arrive pas à faire les choses que j’ai envie de faire.
Et juste cette frustration qu’on passe dans la vraie vie adulte, c’est en fait une vie de frustration, de choses qu’on n’arrive pas à faire, qu’on n’a pas le temps à faire. On n’arrive pas à avoir les relations qu’on aimerait avoir. On n’arrive pas à appeler les amis qu’on aimerait avoir.
Peut-être qu’on n’arrive pas à payer nos factures comme on aimerait payer nos factures. La vie est un éternel compliqué. C’est compliqué, mais c’est comme ça.
Et si on part du principe que les choses sont compliquées, en fait, on peut être beaucoup plus calme face aux complications qui nous arrivent dans la vie. Parce que ce n’est pas qu’on s’y attend, mais ça ne nous surprend plus. Et quand les choses ne te surprennent plus, en fait, tu peux approcher les choses d’une manière beaucoup plus calme.
En tous les cas, c’est ce qui me sauve et ce qui me permet d’avancer dans la vie. Et dans une journée, on commence une journée avec une émotion et on termine avec une autre. Donc, mon album, c’est ça.
On passe de plein d’émotions différentes.
Eric d’Azinat.com TV : Pour en venir à Foix, parce qu’on est à Foix ce soir. Oui, on est à Foix.
China Moses : C’est une petite ville à Foix. C’est très joli. Un petit concert, un petit festival.
Eric d’Azinat.com TV : Oui. Vous avez fait des festivals beaucoup plus importants. On a vu votre Programme de Tour, on va dire.
China Moses : Oui. Beau. Oui, la vie, c’est ça.
La vie c’est fait de plein de choses différentes. Je ne pense pas que votre festival, soit petit ; Votre scène, elle, est grande.
Votre capacité de personnes est grande. Je ne sais pas, j’ai vu plein de food trucks. On en discutait tout à l’heure, comme j’arrive de Marciac, le fait qu’il y ait ce chapiteau et tout.
Mais Marciac, c’est parti de rien. C’est toujours un village de 1200 habitants à l’année. Et c’est devenu un lieu absolument magique et mythique.
La question des grandeurs des festivals, c’est la volonté et la capacité des gens qui l’organisent. Moi, j’organise des festivals. J’ai deux festivals.
Sur Jazz à Foix : Toute invitation, tout festival, tout ce qui se passe d’une manière collective, qu’il faut organiser les choses, c’est tellement de petites pièces, tellement d’énergie de différentes personnes que je suis honorée d’être là.
Donc, je sais très bien ce qu’il faut comme personnes, comme temps, comme énergie pour organiser quelque chose.
Pour moi, votre festival, il est très grand. Et c’est un honneur d’être ici.
Toute invitation, tout festival, tout ce qui se passe d’une manière collective, qu’il faut organiser les choses, c’est tellement de petites pièces, tellement d’énergie de différentes personnes que je suis honorée d’être là. Oui, c’est une petite ville, mais c’est une très jolie ville. Marciac aussi, c’est une petite ville.
Et après, c’est que Marciac aussi à 47 ans. Ici, on n’en est pas loin, mais voilà. Qui sait qu’est-ce que ce festival va devenir dans 10 ans, dans 20 ans et j’ai hâte de le voir.
Et je suis honorée d’être là aujourd’hui… Je joue dans des clubs de 80 personnes et je joue devant 5000 personnes.
Pour moi, l’honneur est pareil et la chance est pareille.
Et l’opportunité de connecter avec d’autres passionnés de l’art et de la culture, cette joie, elle est pareille et je ne le prends pas à la légère.
Eric d’Azinat.com TV : Merci, China.
China Moses : Merci à vous de prendre votre temps de parler avec moi.